Réseaux sociaux et discipline : gare au dénigrement ! (CA Lyon, 24 mars 2014, n°13/03463)

Peu à peu, les juridictions sont amenées à se prononcer sur l’utilisation que font les salariés des réseaux sociaux. Plateforme nouvelle pour la liberté d’expression, ces réseaux sociaux constitue également des supports propices à certaines dérives.

Ainsi, la Cour d’appel de Lyon vient de préciser que le salarié qui « soulage » ses humeurs sur sa page personnelle Facebook s’expose à des sanctions s’il ne maitrise pas ses paramètres de confidentialité.

En l’espèce, un salarié avait utilisé des termes peu flatteurs visant son entreprise et sa hiérarchie alors qu’il conversait avec quelques membres de sa famille. Cette discussion avait lieu sur son mur Facebook, accessibles à d’autres utilisateurs. D’autres salariés, choqués par la teneur des propos, en ont adressé copie au PDG d’entreprise.

Epilogue : ce salarié a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave.

La Cour d’appel, saisie de cette affaire, a alors considéré qu’en ne procédant pas à l’activation des critères de confidentialité de Facebook, le salarié avait pris le risque que ses propos soient accessibles à d’autres salariés de la société, eux-mêmes titulaires d’un compte Facebook. Dans la mesure où les critiques considérées excédaient le droit à la liberté d’expression, le licenciement pour faute avait bien une cause réelle et sérieuse. Pour autant, la Cour d’appel n’a pas suivi l’employeur sur le terrain de la faute grave, au motif que l’entreprise critiquée n’était pas nommément désignée, ce qui avait pour effet de limiter la diffusion du dénigrement en cause.

Malgré cet arrêt, il n’est toujours pas possible de déterminer si Facebook constitue un espace privé ou public. La ligne de partage n’est pas tracée avec précision et, au vu de la solution, le seul paramétrage d’un compte Facebook permet de faire la bascule entre ces deux sphères, publique ou privée.

Ainsi, l’enseignement principal de cet arrêt réside dans le fait que les juridictions tendent à responsabiliser les salariés internautes, qui sont supposés connaitre et utiliser à bon escient le paramétrage de leur compte Facebook. Une conversation, même lorsqu’elle a lieu sur sa page personnelle, peut être considérée comme publique dès lors que son accès n’a pas été limité en faisant usage de ses paramètres de confidentialité.

Reste toujours à déterminer s’il est possible (et raisonnable !) de considérer qu’un espace est restreint (en conséquence privé et donc hors d’atteinte du pouvoir disciplinaire) quand sa diffusion est limitée aux seuls amis du salarié, qui peuvent pour autant être dans certains cas des centaines….

MARILYN MAUDET-BENDAHAN. AVOCATE AU BARREAU DE NANTES.