Preuve soumise à l’appréciation des conseillers prud’homaux : quid du courriel ? (Cass. Soc., 25 septembre 2013, n°11-25884)

Les articles 1316-1 et 1316-4 du Code Civil, relatifs aux conditions de validité de l’écrit ou de la signature électronique, imposent une série de contraintes dans le but d’en garantir l’intégrité.

Ainsi, l’article 1316-1 du code civil énonce que :

« L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».

De plus, l’article 1316-4 du même code prévoit que :

« La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte.
Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat
».

Dans l’affaire en cause, la question posée aux juges consiste à déterminer si un courriel peut être valablement utilisé par une des parties dans le cadre d’un contentieux prud’homal. Et, dans l’affirmative, à quelles conditions ?

Le 25 septembre dernier, la Cour de Cassation a écarté les dispositions précitées dans le cadre d’un contentieux prud’homal au motif qu’elles « ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d’un fait, dont l’existence peut être établie par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond ».

La solution apparaît somme toute logique, un courriel constitue un fait juridique et non un acte juridique. Le régime suit la qualification, si bien que la preuve du fait juridique peut être apportée par tous moyens de preuve.

En l’espèce, une salariée licenciée pour absence injustifiée s’était appuyée sur des courriers électroniques pour démontrer que cette absence résultait d’une demande du gérant de la Société.

La Cour de cassation a validé la position des juges du fond qui ont accueilli les documents litigieux, et ce, malgré la contestation de leur validité par l’employeur.

Il appartient donc au seul juge d’apprécier si l’élément de preuve produit est suffisamment fiable au regard des faits de l’espèce.
Une telle entreprise peut s’avérer délicate.

Les juges ont par exemple rejeté des débats des courriels, en considérant que leur authenticité n’était pas avérée, du fait de l’absence de justification par l’employeur des conditions dans lesquels il les avait obtenus et du défaut d’apparition dans la boîte mail du prétendu expéditeur des documents litigieux, alors qu’il est possible de modifier un mail existant ou de créer un mail anti-daté (Cass. Soc. 22 mars 2011, n°09-43307).

Pour pouvoir produire utilement un courriel devant les conseillers prud’homaux, il apparaît donc primordial de pouvoir, à tout le moins, identifier la source et l’auteur du courriel considéré.

Charge alors à la partie qui invoque le rejet de la pièce d’apporter des éléments de fait de nature à convaincre les conseillers prud’homaux.

MARILYN MAUDET-BENDAHAN. AVOCATE AU BARREAU DE NANTES.