Ordre professionnel et groupe de reclassement (Cass. Soc., 20 janvier 2016, n°14-18416)

Pour rappel, l’employeur est tenu de tenter de reclasser un salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

A l’instar des règles applicables en matière de licenciement économique, le reclassement consécutif à une inaptitude médicalement constatée doit être opéré au sein du groupe auquel l’entreprise appartient.

La jurisprudence retient à ce titre une conception particulièrement large de la notion de groupe de reclassement.

Elle considère en effet qu’un groupe de reclassement peut être caractérisé dès lors que les activités, l’organisation ou le lieu de travail ou d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel (V. par exemple en ce sens : Cass. soc., 14 janvier 2004, n°02-46678).

Aux termes d’une jurisprudence constante, le groupe de reclassement peut parfaitement être indépendant des liens capitalistiques existants entre différentes sociétés et les possibilités de reclassement peuvent résulter de simples relations de partenariat entre différentes firmes.

Ainsi, la Cour de cassation a pu considérer qu’il y avait lieu de retenir l’existence d’un groupe entre des sociétés juridiquement indépendantes mais qui étaient regroupées sous un même sigle, présentaient des outils de communication communs et proposaient des recrutements dans le périmètre du groupe (Cass. Soc., 24 juin 2009, n°07-45656).

Dans l’arrêt présent, une Cour d’appel avait considéré qu’un cabinet d’avocats parisien était tenu d’étendre ses recherches de reclassement à tous les cabinets d’avocats relevant de l’Ordre des avocats de Paris. La Cour d’appel considérait en effet que cet Ordre des avocats de Paris devait être appréhendé comme un groupe de reclassement puisque la permutabilité du personnel y était rendue possible en relevant les éléments suivants : « au sein de cet ordre, chaque cabinet a une activité, juridique et de conseil, identique, que le mode d’organisation et de fonctionnement de ces cabinets est proche, que le personnel y travaillant, composé essentiellement de secrétaires et d’assistants, a une formation et une qualification similaires et que ces cabinets se situent dans un secteur géographique délimité et proche ».

Et la Cour d’appel de conclure : «  force est de constater que la société Nomos ne justifie pas avoir interrogé d’autres cabinets d’avocats relevant de l’ordre des avocats de Paris pour connaître l’existence d’éventuel poste disponible permettant le reclassement du salarié ».

La Cour de cassation, par une formulation laconique, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel, en ces termes : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’un ordre professionnel ne constitue pas un groupe, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Une telle solution apparait frappée du bon sens puisqu’il est évident qu’en réalité, outre l’absence totale de liens capitalistiques entre eux, les différents cabinets d’avocats inscrits à l’Ordre des avocats de Paris – pris dans leur ensemble – n’ont pas de liens de partenariat entre eux, n’ont pas davantage de moyens communs de communication permettant de les identifier isolément, etc.

En réalité, pour l’essentiel, ces cabinets d’avocats parisiens n’ont aucune relation et ignorent jusqu’à l’existence de nombreux d’entre eux.

Dès lors, le seul fait de partager une identité d’activité et de fonctionnement dans un secteur géographique délimité et proche ne saurait suffire à caractériser l’existence d’un groupe de reclassement. Raisonner autrement conduirait par exemple à reconnaitre un groupe de reclassement s’agissant de l’ensemble des charcutiers de Nantes. Par ailleurs et pour en revenir aux avocats, le rattachement obligatoire à un Ordre professionnel commun n’est finalement qu’une conséquence logique liée à l’exercice d’une profession règlementée soumise à une déontologie propre et déterminée.