Garantie de fond et procédure de licenciement (Cass. Soc., 13 juillet 2017, n°15-29274)

 

Avant de mettre en œuvre un projet de licenciement, il convient parfois de saisir pour avis une instance (commission, comité ou encore conseil de discipline) dont les membres appartiennent ou non au personnel de l’entreprise. Ce formalisme particulier découle de certaines conventions collectives (V. en ce sens par exemple la convention collective du personnel des banques…).
La mise en œuvre d’une telle procédure conventionnelle ne dispense pas, par ailleurs, l’employeur de respecter la procédure légale (Cass. soc., 20 oct. 1988, n°85-44.501). Il s’agit donc bien pour l’employeur de règles conventionnelles qui s’agrègent aux règles légales.
Or, selon une jurisprudence devenue constante (V. notamment en ce sens : Cass. soc., 23 mars 1999, n°97-40412 ; Cass. soc., 27 juin 2012, n°11-14036 ; Cass. Soc., 2 déc. 2015, n°14-18534), la saisine de l’instance en question constitue une garantie de fond.

En d’autres termes, si cette phase de la procédure n’est pas respectée et que l’instance n’est pas saisie pour avis, la sanction ne consiste pas une simple irrégularité de procédure mais bien en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’idée, en toile de fond, est que certaines formalités sont tellement importantes que leur non-respect prive le licenciement de sa cause, car :
— cette formalité est susceptible d’avoir un impact sur la prise de décision finale par l’employeur,
— ou cette formalité participe à la garantie des droits de la défense du salarié.
A titre d’exemples, ont encore été assimilées à des garanties de fonds, dont le non-respect prive donc le licenciement de cause réelle et sérieuse :
— l’invitation du salarié à prendre connaissance de son dossier disciplinaire (Cass. soc., 11 mars 2009, n°08-40453),
— l’information des délégués du personnel préalable au licenciement disciplinaire instituée par la convention collective (Cass. soc., 17 mars 2015, n° 13-23983).
La Cour de cassation fournit une nouvelle illustration de cette jurisprudence dans l’arrêt présent et en ces termes :
« Mais attendu, d’abord, qu’il résulte de l’article 16 de la convention collective nationale des entreprises de courtage d’assurances et/ou de réassurances, qu’un conseil de discipline doté d’un rôle consultatif est constitué dans chaque entreprise dont l’effectif est au moins égal à cinquante salariés, que ce conseil peut être réuni à la demande soit de l’employeur, soit du salarié concerné, préalablement à la mise en oeuvre de tout projet de licenciement pour faute, et que la saisine du conseil peut intervenir à compter de l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable de licenciement et, au plus tard, jusqu’au jour franc ouvré succédant à la date d’entretien préalable ;

Attendu, ensuite, que la consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition conventionnelle, de donner son avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l’employeur constitue pour le salarié une garantie de fond et que le licenciement, prononcé sans que le salarié ait été avisé qu’il pouvait saisir cet organisme, ne peut avoir de cause réelle et sérieuse;

Et attendu qu’ayant constaté que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire avec mise à pied à titre conservatoire et relevé que l’employeur ne l’avait pas informé de ce qu’il avait la possibilité de saisir le conseil de discipline pour qu’il donne son avis sur le licenciement pour faute envisagé, la cour d’appel en a exactement déduit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ».
Ainsi, en l’espèce, l’article 16 de la Convention collective des entreprises de courtages d’assurances et/ou de réassurances du 18 janvier 2002 énonce qu’un conseil de discipline doté d’un rôle consultatif, peut être réuni à la demande de l’employeur ou du salarié concerné, préalablement à la mise en œuvre de tout projet de licenciement pour faute. Pareille saisine peut alors intervenir à compter de l’envoi de la lettre de licenciement et, au plus tard, jusqu’au jour franc ouvré succédant à la date d’entretien préalable.
Or, au cas particulier, le salarié avait été convoqué à l’entretien préalable sans avoir été informé par l’employeur de cette possibilité de saisir le conseil de discipline. Le salarié a donc obtenu, sans grande surprise et conformément à la jurisprudence précitée, le prononcé d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pareil mécanisme de consultation conventionnelle est souvent mal compris ou mal accepté par l’employeur car en réalité, la commission à saisir n’a pas de pouvoir décisionnel et se contente de délivrer un simple avis.
Dans le cas présent, la saisine du conseil de discipline était en outre purement facultative, si bien que la procédure de licenciement pouvait parfaitement se poursuivre si les intéressés – employeur ou salarié – renonçaient à cette possibilité.

Pour autant, le salarié devait être informé de son droit de saisine en temps utile et c’est bien cette obligation d’information qui n’a pas été respectée par l’employeur.

La Cour de cassation estime qu’il s’agit bien là d’une véritable garantie de fond et qu’il convient d’en tirer toutes les conséquences utiles en matière d’indemnisation du salarié.
Marilyn MAUDET-BENDAHAN. Avocat au Barreau de Nantes.