Co-emploi : sévérité accrue des juges du fond (CA Nîmes, 15 avril 2014, n°12/04548).

L’identification d’un co-employeur au sein d’un groupe de sociétés a pour effet premier de donner aux salariés un autre débiteur d’obligations que la personne morale partie aux contrats de travail.

Elle fait peser sur le co-employeur l’obligation de reclassement et la garantie des condamnations prononcées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La mise à jour de cette nouvelle notion par les juges entraine donc des conséquences particulièrement sévères pour celui qui sera reconnu co-employeur.

Pour caractériser le co-emploi, la Cour de cassation a progressivement caractérisé le critère de la triple confusion « d’intérêts, d’activité et de direction » entre la société co-employeur et la société ayant conclu le contrat de travail (Cass. soc. 28 septembre 2011, n° 10-12278 ; Cass. soc. 3 mai 2012, n° 10-27461).

Le co-emploi suppose donc une situation jugée anormale caractérisée par la confusion des intérêts, des activités et de la direction, faisant disparaître l’autonomie de l’employeur soumis à l’ingérence d’un tiers au contrat de travail s’immisçant dans la gestion économique et sociale de l’entreprise.

Les conséquences sont alors redoutables :

– Lorsque la situation de co-emploi est caractérisée, l’interruption de l’activité de l’employeur d’origine ne suffit plus à justifier la rupture des contrats de travail du personnel (Cass. soc. 15 février 2012, n° 10-13897).

– De même, l’obligation de reclassement incombe alors à chacun des co-employeurs (Cass. soc. 12 septembre 2012, n° 11-12343 ; Cass. soc.28 septembre 2011, n° 10-12278).

D’une façon plus générale, un arrêt du 28 juin 2011 a énoncé que le licenciement notifié par un seul des co-employeurs est opposable à l’autre, qui doit supporter les conséquences et les responsabilités qu’entraîne cette décision (Cass. soc. 28 juin 2011, n° 10-12278).

Dans la même logique, un arrêt très récent de la Cour d’appel Nîmes, vient de confirmer sans ambages cette approche, en considérant qu’il y avait lieu de condamner la société d’un groupe à rembourser au liquidateur l’ensemble des créances de rupture versées à chacun des salariés dans le cadre de la liquidation judiciaire prononcée, après avoir constaté l’existence d’une situation de co-employeurs au sein d’un groupe de société (CA Nîmes, 15 avril 2014, n°12/04548).

Ainsi, la Cour d’appel de Nîmes a, après avoir observé l’existence entre deux sociétés d’un même groupe d’une « confusion d’intérêts, d’activité et de direction », caractérisé l’existence d’une immixtion anormale de l’une – ne connaissant aucune difficulté économique – sur l’autre – soumise à une procédure de liquidation judiciaire (CA Nîmes, 15 avril 2014, n°12/04548).

Cet arrêt est d’ores et déjà approuvé par une partie de la doctrine, estimant que les juges du fond se montrent « soucieux de freiner l’instrumentalisation du droit des procédures collectives, en sanctionnant les pratiques fautives des groupes de sociétés », et constatant que « la forte présence du groupe est susceptible de produire des effets pervers, lorsque, au nom de ses propres intérêts, une autre société abuse du contrôle dont elle dispose et exerce en réalité le pouvoir dans la gestion de l’entreprise insolvable, de sorte que cette dernière perde son individualité et son autonomie dans la conduite de ses propres affaires, au détriment même de sa pérennité ! » (Madame Dimitria PALLANTZA, Co-emploi : les juges du fond cherchent systématiquement à sanctionner l’immixtion « anormale » de la société mère dans la gestion de sa filiale, Les cahiers sociaux n°265 – juillet 2014, p. 408).

D’aucun ne manqueront sans doute pas de souligner que ce sont peut-être les juges qui s’immiscent de façon anormale dans la gestion interne du groupe…

MARILYN MAUDET-BENDAHAN. AVOCATE AU BARREAU DE NANTES.