Courriel de l’employeur : la distinction délicate entre le simple rappel à l’ordre et l’avertissement (Cass. Soc., 9 avril 2014, n°13-10.939)

Par un arrêt récent, la Cour de cassation vient d’affirmer qu’un courriel adressé au salarié assorti de reproches et l’invitant à ne pas poursuivre ce genre de pratique s’analyse en un avertissement.

Si la solution n’est pas totalement nouvelle (Cass. Soc., 26 avril 2010, n°08-42.893), elle rappelle sans doute que l’employeur doit se garder de tout courriel intempestif à l’endroit d’un salarié qui s’attire ses foudres…

Le recours massif aux courriers numériques, en lieu et place des traditionnels « courriers papiers », favorise les échanges rapides et parfois inconsidérés.

Un petit retour sur les fondamentaux s’impose alors.

La distinction théorique entre simple rappel à l’ordre et avertissement emporte une conséquence pratique importante, puisque seule cette dernière mesure constitue une sanction.

Dès lors, en application de la règle non bis in idem, de mêmes faits ne peuvent être sanctionnés deux fois. Ainsi, si le courriel est qualifié d’avertissement par les juges, les faits l’ayant justifié ne pourront venir soutenir une autre sanction, tel qu’un licenciement par exemple.

En revanche, un simple courriel de mise en garde ou encore de rappel à l’ordre, pourra valablement venir soutenir une procédure de licenciement.

Reste alors à déterminer le point de bascule qui permet de distinguer le courriel de rappel à l’ordre de l’avertissement.

A cet égard, tout semble être affaire d’une subtile rédaction.

En effet, la Cour de cassation parait s’appuyer sur deux critères cumulatifs caractérisant l’avertissement-sanction, à savoir :

– Le fait de formuler des reproches à l’encontre du salarié,
– Le fait de lui enjoindre de cesser de façon impérative ces agissements.

Dans ces conditions, la vigilance s’impose si l’employeur souhaite simplement acter un comportement tout en conservant la possibilité d’y faire référence dans une éventuelle lettre de licenciement.

Dans ce cas, il ne saurait trop être conseillé de prendre le temps de la rédaction et de s’astreindre par exemple à retracer l’évènement litigieux en des termes neutres tout en offrant la possibilité au salarié d’apporter son propre éclairage sur les faits évoqués ou rapportés.

MARILYN MAUDET-BENDAHAN. AVOCATE AU BARREAU DE NANTES.