Illustration de manquements justifiant une prise d’acte (Cass. Soc., 7 février 2018, n°16-19456)

Pour mémoire, la prise d’acte s’analyse comme un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison des manquements graves qu’il reproche à son employeur mais dont l’appréciation finale reste entre les mains des conseillers prud’homaux.

Ainsi, la prise d’acte emporte les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés à l’employeur sont justifiés, soit d’une démission dans le cas contraire.

La prise d’acte du salarié est donc analysée par les conseillers prud’homaux en considération du degré de gravité du manquement de l’employeur. Ces manquements doivent revêtir une particulière importance puisque la Cour de cassation martèle – au terme d’une jurisprudence devenue constante – que ces manquements doivent être de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Il en résulte notamment que des manquements anciens ne peuvent caractériser une telle situation (En ce sens : pour un manquement toléré durant plus de 20 ans : Cass. Soc., 13 avril 2016, n°15-13447)

En l’espèce, un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs que son employeur :

– n’a pas tenu compte de la souffrance morale et psychologique exprimée par le salarié
– n’a pas non plus pris de mesures suffisantes pour remédier à cette souffrance morale,
– n’a pas tenu compte des demandes en ce sens faites par certains membres du CHSCT,
– a pris une sanction (au demeurant injustifiée) en lieu et place d’une prise en compte de la souffrance de la salariée.

Cette solution donne ainsi une nouvelle illustration des manquements rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifiant donc que la prise d’acte emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ces termes :
« Mais attendu qu’ayant relevé que l’association n’avait pas tenu compte de la souffrance morale et psychologique exprimée par le salarié ni pris de mesures suffisantes pour y remédier, malgré la demande en ce sens des membres du CHSCT lors de la séance du 30 octobre 2014, alors qu’il n’était pas allégué que le salarié avait habituellement des difficultés relationnelles avec ses élèves et qu’elle avait préféré s’engager vers la voie de la sanction à son encontre, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

A l’évidence, l’employeur se devait ici, comme dans toutes les hypothèses de souffrance au travail dont il a connaissance, de tenir compte de la situation qui lui était rapportée. Il importe alors, suivant la nature des faits : de rencontrer le salarié, de lui apporter des solutions concrètes (examen voire aménagement des conditions de travail, travail de réflexion en concertation avec les IRP, etc.).

Il reste à noter qu’en la matière, le risque pour l’employeur ne se cantonne pas à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, mais réside aussi tout simplement dans le contentieux lié à un manquement à l’obligation de sécurité en matière de santé au travail.
MARILYN MAUDET-BENDAHAN. AVOCATE AU BARREAU DE NANTES.