Pour mémoire, la prise d’acte s’analyse comme un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison des manquements graves qu’il reproche à son employeur mais dont l’appréciation finale reste entre les mains des conseillers prud’homaux.
Ainsi, la prise d’acte emporte les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés à l’employeur sont justifiés, soit d’une démission dans le cas contraire.
Tout comme en matière de résiliation judiciaire, la jurisprudence se montre ces dernières années de plus en plus stricte et exige véritablement de constater, pour que le salarié obtienne gain de cause, un manquement de l’employeur empêchant purement et simplement la poursuite du contrat de travail.
Ainsi, un « simple » manquement ne peut donc suffire à justifier la prise d’acte, encore faut-il que ce manquement soit si grave qu’il empêche la poursuite du contrat de travail (V. en sens par exemple : Cass. Soc., 26 mars 2014, n°12-21372).
Cette jurisprudence n’est pas sans rappeler la définition de la faute grave commise par le salarié qui est celle « d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (V. par exemple : Cass. Soc., 28 avril 2009, n°07-45590).
La prise d’acte du salarié sera donc analysée par les conseillers prud’homaux en considération du degré de gravité du manquement de l’employeur.
Parallèlement à la faute grave, le salarié ne pourra, à l’appui de sa prise d’acte, faire valoir des manquements relativement anciens de l’employeur qui n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, une serveuse avait été embauchée à temps complet en 1989. Or, depuis 1991, l’employeur lui avait imposé de travailler à temps partiel. En effet, aucun avenant au contrat n’avait été présenté pour accord à la salariée. Pourtant, ce n’est qu’en 2012 que cette dernière a pris acte de la rupture de en raison de cette modification unilatérale du contrat de travail.
Conformément à ce qu’elle avait déjà pu énoncer en 2014, la Cour de cassation considère qu’un tel manquement de l’employeur est ancien, ce qui signifie qu’il a été toléré par le salarié.
En l’espèce, ce manquement a été toléré durant plus de 20 ans et ne pouvait donc être sanctionné dans le cadre d’une prise d’acte de la rupture. Cette prise d’acte devant alors s’analyser comme une démission.
La Cour de cassation a ainsi énoncé cette solution en ces termes : « Mais attendu que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;
Et attendu que la cour d’appel, qui a retenu que le manquement de l’employeur, qui avait imposé une modification unilatérale du contrat de travail le 21 juillet 1991 était ancien, faisant ainsi ressortir qu’il n’avait pas empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ».
Au total, le salarié qui tarde à prendre acte de son contrat de travail semble reconnaitre par son inertie que le comportement fautif de son employeur ne revêt pas un caractère véritablement grave. L’adage « qui ne dit mot consent » semble trouver application, ce qui est justifié par le bon sens mais non par la coloration générale que le législateur a entendu donner aux dispositions applicables en matière de droit du travail…Au final, comme en matière de faute grave (côté employeur), la prise d’acte (côté salarié) nécessite une réactivité particulière des parties (et/ou de leurs conseils !).
L’érosion du temps vient donc polir, jusqu’à les faire disparaitre, les fautes passées du salarié (ce que l’on savait déjà !) mais aussi de l’employeur.