L’employeur est tenu d’une obligation générale de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et doit en assurer l’effectivité.
C’était du moins la solution adoptée par la Cour de cassation depuis les arrêts dits Amiante de 2002.
Or, l’arrêt présent du 25 novembre 2015 jette le trouble.
En l’espèce, un salarié d’Air France envoyé à New York pour une mission, avait été témoin de l’attentat du 11 Septembre 2001.
Quelques années plus tard, ce salarié était victime d’une crise de panique lors d’un vol sur lequel il était affecté. Placé en arrêt maladie, il était licencié pour non présentation à la visite médicale de reprise obligatoire, étant précisé que cette dernière visite devait justement déterminer son aptitude à la reprise.
Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale en réparation des dommages liés au manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat, sa santé physique et mentale n’ayant pas été protégées selon lui.
Contre toute attente, la Cour de cassation ne va pas lui donner gain de cause en se fondant sur la traditionnelle obligation de sécurité de résultat en matière de santé au travail, en ces termes :
« Mais attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
Et attendu qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et procédant aux recherches qui lui étaient demandées, la cour d’appel a constaté, d’une part que l’employeur, ayant pris en compte les événements violents auxquels le salarié avait été exposé, avait, au retour de New-York le 11 septembre 2001, fait accueillir celui-ci, comme tout l’équipage, par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultations psychiatriques, d’autre part que le salarié, déclaré apte lors de quatre visites médicales intervenues entre le 27 juin 2002 et le 18 novembre 2005, avait exercé sans difficulté ses fonctions jusqu’au mois d’avril 2006 ; qu’ayant relevé que les éléments médicaux produits, datés de 2008, étaient dépourvus de lien avec ces événements dont il avait été témoin, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, propres et adoptés, dont elle a pu déduire l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, légalement justifié sa décision ».
La Cour de cassation parait ainsi opérer un revirement de jurisprudence d’importance en reconnaissant désormais l’existence d’une obligation de moyen renforcée en matière de santé au travail.
Cela signifie concrètement que désormais l’employeur peut se justifier et s’exonérer de sa responsabilité en rapportant toutes preuves visant à démontrer que les moyens ont été mis en œuvre pour préserver la sécurité de ses salariés.
Reste bien évidemment à observer les arrêts qui feront suite à cette solution…
L’arrêt est certes publié au Bulletin et contient un attendu de principe que l’on ne peut ignorer.
Reste cependant à vérifier qu’une même solution serait rendue en toute hypothèse, et ce même en matière de harcèlement moral par exemple.
Marilyn MAUDET-BENDAHAN. Avocat au Barreau de Nantes.