A la différence de la prise d’acte de la rupture, la demande de résiliation judicaire ne met pas fin au contrat de travail. Celui-ci se poursuit, le temps que le juge puisse statuer sur la demande introduite par le salarié.
La juridiction saisie pourra alors :
- soit considérer que les manquements commis par l’employeur n’existent pas ou ne sont pas suffisamment graves pour justifier la demande de résiliation ; le contrat de travail devra donc se poursuivre.
- soit considérer que les manquements sont avérés et suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat et donc pour justifier la demande de résiliation ; le contrat de travail sera alors rompu aux torts de l’employeur.
En l’espèce, un salarié avait été destinataire, entre février 2009 et février 2010, de nombreux courriers électroniques rédigés en des termes très désagréables et dont certains avaient également été adressés en copie pour information à d’autres salariés. Ce salarié avait en conséquence fait l’objet d’un état anxio-dépressif et avait saisi juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Tout comme en matière de prise d’acte, la jurisprudence se montre ces dernières années de plus en plus stricte et exige véritablement de constater, pour que le salarié obtienne gain de cause, un manquement de l’employeur empêchant purement et simplement la poursuite du contrat de travail.
Ainsi, un « simple » manquement ne peut donc suffire à justifier la résiliation judiciaire, encore faut-il que ce manquement soit si grave qu’il empêche la poursuite du contrat de travail (V. en sens par exemple : Cass. Soc., 26 mars 2014, n°12-21372).
C’est donc à une grande casuistique que se livrent les juges et les praticiens perçoivent peu à peu, décision après décision, les contours de ce qui constitue un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail.
Au cas particulier, la Cour de cassation a considéré que de tels manquements étaient bel et bien caractérisés, en ces termes : « Mais attendu qu’ayant constaté que le salarié, qui avait été destinataire, entre février 2009 et février 2010, de nombreux courriers électroniques rédigés de façon méprisante, agressive et grossière, dont certains avaient également été adressés, pour information, à d’autres salariés, produisait un certificat médical mentionnant un état anxio-dépressif réactionnel à un harcèlement dans le cadre du travail, la cour d’appel a pu en déduire que ces faits rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et justifiaient la résiliation de celui-ci aux torts de l’employeur ».
Au cas présent, la résiliation judiciaire sollicitée est justifiée par des faits constitutifs de harcèlement moral, si bien qu’elle produit les effets d’un licenciement nul et non d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.