Issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle constitue un mode de rupture négocié dont le succès n’a eu de cesse de s’accroitre ces dernières années.
Son utilisation massive a notamment permis d’offrir une alternative pacifiée à la solution jusqu’alors quasi binaire qui existait, mettant dos à dos le licenciement et la démission.
L’idée était bien là, notamment, de proposer une rupture non conflictuelle qui devait tarir le contentieux social plutôt que de l’alimenter.
La sécurité juridique de ce mode de rupture constituait donc un enjeu primordial.
Dans ce contexte, la Cour de cassation a « joué le jeu », en sécurisant autant que faire se peut la rupture conventionnelle. Elle a, peu à peu, déployé une jurisprudence très souple quant au formalisme qui entoure la rupture conventionnelle, refusant l’annulation pour des motifs relevant de la pure procédure.
Ainsi, la Cour de cassation a par exemple considéré :
- que le défaut d’information relatif à l’assistance du salarié dans la convocation à entretien n’a pas pour effet d’entrainer la nullité (Cass. Soc., 29 janvier 2014, n°12-27594),
- que l’absence de rappel fait au salarié quant à la possibilité qu’il a de contacter les services tels que le service public de l’emploi n’est pas de nature à entrainer l’annulation de la rupture conventionnelle (Cass. Soc., 29 janvier 2014, n°12-25591),
- que l’erreur dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de rétractation de 15 jours n’est pas de nature à entrainer l’annulation de la rupture conventionnelle (Cass. Soc., 29 janvier 2014, n°12-24.539),
L’ensemble de ces solutions, émaillé de la même logique de souplesse et de pragmatisme, posait toutefois en garde-fou la théorie des vices du consentement, applicable à tout contrat.
Les deux arrêts en présence, rendus le 3 juillet 2019, témoignent sans doute d’une inflexion nouvelle, s’inscrivant dans un regain de formalisme.
En l’espèce, dans le premier arrêt, le salarié sollicitait l’annulation de la rupture conventionnelle au motif qu’aucun exemplaire de la convention de rupture ne lui avait été remis à l’issue de l’entretien.
Très concrètement, le salarié avait nécessairement pu prendre connaissance du contenu du CERFA, puisque la convention de rupture avait bien été signée par ses soins. Néanmoins, l’employeur n’était pas en capacité de prouver qu’un exemplaire avait été donné au salarié.
Dans ces conditions, la Cour de cassation estime que l’arrêt de la Cour d’appel doit être cassé, puisque celle-ci n’a pas constaté qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié.
Dans le second arrêt, le salarié sollicitait l’annulation de la rupture conventionnelle au motif de l’absence de signature de l’employeur sur la convention de rupture. Ici aussi, la Cour de cassation considère que la nullité est encourue car seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.
Il ressort de ces solutions que c’est bien sur l’employeur que pèse la charge de la preuve de la remise au salarié d’une convention de rupture signée des deux parties.
En pratique, il revient donc à l’employeur de prendre la précaution de faire signer un récépissé de remise au salarié.
Ces arrêts s’inscrivent dans un mouvement de recrudescence de formalisme en matière de rupture conventionnelle déjà constaté ces derniers mois (v. en ce sens : Cass. Soc., 27 mars 2019, n°17-23586). Ils signalent peut être une méfiance nouvelle à l’égard de ce mode de rupture, dont on a pu constater qu’il était par ailleurs dans le viseur du Président MACRON au profit d’une démission prochainement indemnisée par Pôle emploi, sous condition (Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage).
Marilyn MAUDET-BENDAHAN. Avocate au Barreau de NANTES.