Pour mémoire, la prise d’acte s’analyse comme un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison des manquements graves qu’il reproche à son employeur mais dont l’appréciation finale reste entre les mains des conseillers prud’homaux.
Ainsi, la prise d’acte emporte les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés à l’employeur sont justifiés, soit d’une démission dans le cas contraire.
Tout comme en matière de résiliation judiciaire, la jurisprudence se montre ces dernières années de plus en plus stricte et exige véritablement de constater, pour que le salarié obtienne gain de cause, un manquement de l’employeur empêchant purement et simplement la poursuite du contrat de travail.
Ainsi, un « simple » manquement ne peut donc suffire à justifier la prise d’acte, encore faut-il que ce manquement soit si grave qu’il empêche la poursuite du contrat de travail (V. en sens par exemple : Cass. Soc., 26 mars 2014, n°12-21372).
Cette jurisprudence n’est pas sans rappeler la définition de la faute grave commise par le salarié qui est celle « d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (V. par exemple : Cass. Soc., 28 avril 2009, n°07-45590).
La prise d’acte du salarié sera donc analysée par les conseillers prud’homaux en considération du degré de gravité du manquement de l’employeur.
En l’espèce, un Directeur des achats et de la logistique – par ailleurs salarié protégé – avait été remplacé à ce poste par un autre salarié, auquel il devait désormais rendre compte en qualité de simple « Responsable des achats ».
Cette modification du contrat de travail aurait dû être soumise à l’approbation du salarié, peu important d’ailleurs qu’il soit protégé ou non.
Près de 4 mois plus tard, l’employeur avait finalement décidé d’opérer machine arrière, renonçant à cette nouvelle organisation obtenue sans l’assentiment du salarié.
Le mal était déjà fait cependant.
Le salarié avait en effet fait valoir ses droits à la retraite puis demandé la requalification de ce départ en retraite en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
La Cour de cassation a admis une telle sollicitation, estimant que cette modification des fonctions imposée au salarié constituait une violation grave par l’employeur de ses obligations contractuelles, empêchant la poursuite du contrat de travail, en ces termes :
« Mais attendu qu’ayant constaté qu’à compter du 28 juin 2010, le salarié avait été remplacé dans ses fonctions de directeur des achats et de la logistique par un autre salarié recruté peu avant, auquel il se trouvait désormais rattaché, ses nouvelles fonctions étant celles de responsable des achats (hors matières premières) et de la logistique ancillaire, la cour d’appel a pu en déduire que cette modification de ses fonctions, imposée à un salarié protégé, constituait une violation grave par l’employeur de ses obligations contractuelles, faisant ainsi ressortir qu’elle avait empêché la poursuite du contrat de travail, peu important que quatre mois après sa mise en œuvre l’employeur ait déclaré y renoncer ».
Dès lors, peu importe le comportement ultérieur de l’employeur ou sa volonté de s’amender suite aux manquements dont il a fait preuve envers son salarié.
Cette jurisprudence doit toutefois être mise en perspective avec celle encore affirmée récemment et selon laquelle le salarié ne peut invoquer des manquements trop anciens à l’appui de sa demande de prise d’acte (Contra. pour un manquement toléré durant plus de 20 ans : Cass. Soc., 13 avril 2016, n°15-13447). Le présent arrêt peut ainsi être utilisé par analogie dans toutes les affaires pour lesquelles le manquement a été toléré par le salarié sans empêcher la poursuite du contrat de travail durant près de 4 mois… y compris lorsqu’un tel manquement de la part de l’employeur a finalement cessé une fois ce délai passé.