Lorsqu’un licenciement est annulé par une juridiction prud’homale, le salarié bénéficie d’un droit à réintégration au sein de l’entreprise.
Concrètement, le salarié peut donc retrouver son ancien poste ou un poste équivalent.
La nullité du licenciement peut intervenir pour des motifs variés prévus par le Code du travail (par exemple en présence d’un motif discriminatoire de licenciement : article L. 1132-4 du Code du travail) mais également sous l’impulsion de la jurisprudence (v. en ce sens notamment s’agissant du licenciement d’un salarié protégé sans autorisation : Cass. Soc., 18 décembre 2000, n°98-42320).
La sévérité de la sanction constitue donc la réplique à un manquement d’une particulière gravité de la part de l’employeur.
En pareil cas, le manquement est d’une telle importance qu’il justifie le retour au statu quo ante, c’est-à-dire le retour à la situation antérieure, « comme si » le manquement n’avait jamais existé.
C’est donc bien l’idée de réparation intégrale qui chemine ici, laissant sur le bas-côté d’autres difficultés qui naitront parfois de la rencontre improbable entre la belle fiction juridique et une réalité des rapports humains plus délicate à appréhender.
Naturellement, ce droit à réintégration ne peut intervenir qu’à la demande du salarié. L’employeur est alors tenu d’y satisfaire, sauf à pouvoir établir une impossibilité matérielle s’opposant à la réintégration.
Dans l’arrêt présent, la Cour de cassation saisit l’occasion de rappeler qu’elle entend garantir pleinement le droit à la réintégration du salarié et qu’elle conçoit donc strictement les hypothèses d’impossibilité matérielle.
En l’espèce, une salariée avait été embauchée par une clinique privée parisienne dans le cadre d’un CDD afin d’effectuer une mission d’entretien des locaux.
Le CDD avait été rompu le 30 septembre 2008 alors qu’il était pourtant suspendu du fait d‘un accident du travail.
La salariée a alors obtenu la requalification de son CDD en CDI, la rupture ayant été requalifiée en un licenciement nul fondé sur l’état de santé. Il s’agissait donc d’un motif discriminatoire proscrit par l’article L. 1132-1 du Code du travail et ouvrant droit à réintégration du salarié.
Pourtant, la Cour d’appel avait refusé une telle réintégration, relevant le fait que le poste n’existait plus au sein de l’entreprise, cette dernière ayant externalisé depuis le 1er juin 2012 la mission d’entretien des locaux. Il s’agissait donc pour la Cour d’appel d’une impossibilité matérielle avérée de réintégrer pour l’employeur.
La Cour d’appel tirait également argument de la demande tardive présentée par la salariée, soit trois ans après la rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation ne l’a pas entendu ainsi.
Elle considère qu’en l’espèce l’employeur ne démontrait pas qu’il faisait face à une impossibilité matérielle, en ces termes : « Qu’en statuant ainsi, alors que le seul fait de confier à un prestataire de service le nettoyage des locaux ne caractérise pas une impossibilité matérielle pour l’employeur de réintégrer la salariée dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, peu important le fait que la salariée ait attendu trois ans pour solliciter sa réintégration, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La solution peut apparaitre sévère côté employeur puisqu’il se voit contraint de réintégrer alors même que le poste de la salariée a été supprimé. Une telle exigence sera d’autant plus difficile à appréhender suivant que l’on s’adresse à une TPE ou à une entreprise de taille plus importante. Or, bien évidemment, la règle sera la même pour tous…
D’un autre côté, il pourrait sans doute paraitre un peu surprenant d’admettre l’existence d’une impossibilité matérielle à chaque fois que l’employeur a externalisé une mission. On voit en effet d’ici les effets pervers qu’une telle approche viendrait générer…Ce d’autant que, si la prestation est externalisée, il y a sans doute lieu d’en déduire que le besoin existe toujours…
Il est également à noter que la présente solution s’inscrit en cohérence avec la jurisprudence antérieure. En effet, la Cour de cassation a par exemple considéré que la suppression du poste d’un salarié protégé n’empêchait pas sa réintégration (Cass. Soc., 13 décembre 1994, n°92-42454). Reste que l’impossibilité de réintégration n’est pas pure théorie et peut fort heureusement être invoquée dans des cas extrêmes tels que la liquidation judiciaire de l’entreprise (Cass. Soc., 20 juin, n°05-44256).