En l’espèce, un salarié avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail. Par la suite, il avait été licencié pour faute grave par son employeur.
Or, au nombre des griefs présents dans la lettre de licenciement, l’employeur avait eu la maladresse de faire référence à l’action en résiliation judiciaire qui avait été engagée précédemment par le salarié, tout en précisant que si cette façon de procéder n’était pas répréhensible en tant que telle, elle en disait long « sur l’incompatibilité de nos positions ».
Les juges du fond ont estimé qu’une telle référence dans la lettre de licenciement n’était pas anodine et que le licenciement prononcé devait en conséquence être annulé.
La Cour de cassation a adopté une même approche, en ces termes : « Mais attendu qu’ayant retenu, hors toute dénaturation, que l’employeur reprochait au salarié dans la lettre de licenciement d’avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation de son contrat de travail, la cour d’appel, qui a ainsi implicitement mais nécessairement écarté la preuve d’un abus ou d’une mauvaise foi de ce dernier dans l’exercice de son droit d’ester en justice, en a exactement déduit que ce grief, constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale, entraînait à lui seul la nullité du licenciement, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les autres griefs invoqués par l’employeur pour vérifier l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ».
Autrement dit, le fait pour l’employeur de reprocher au salarié dans la lettre de licenciement d’avoir saisi la juridiction prud’homale d’une action en résiliation judiciaire constitue une atteinte à une liberté fondamentale, à savoir une atteinte à la liberté d’agir en justice fondée sur l’article 6§1 de la Convention EDH. Mécaniquement, une telle atteinte justifie alors l’annulation du licenciement prononcé par l’employeur.
L’autre apport intéressant de la solution réside dans l’effet viral donné au motif illicite de licenciement. En effet, la Cour de cassation précise bien que ce grief « entraînait à lui seul la nullité du licenciement, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les autres griefs invoqués par l’employeur pour vérifier l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ».
Cela signifie donc que le motif illicite figurant dans la lettre de licenciement a finalement eu pour effet d’absorber les autres griefs, quand bien même ceux-ci seraient-ils fondés. Peu importe au total qu’ils soient fondés ou non, ils ne seront même pas étudiés par la juridiction en présence, qui ne disposera plus de cette marge d’appréciation dès lors qu’elle constatera une atteinte à une liberté fondamentale (V. déjà en ce sens : Cass. Soc., 10 juin 2015, n°13-25554).