En l’espèce, une salariée avait été embauchée en qualité d’ingénieur d’études par une Société de conseil en informatique. Celle-ci portait habituellement le voile alors qu’elle se rendait à son lieu de travail. Les difficultés commencent lorsque cette salariée se présente voilée à l’extérieur de l’entreprise auprès d’un client de cette même entreprise, lors d’une mission ponctuelle. Face aux plaintes de ce client, l’employeur demande à la salariée de ne plus porter le voile lors de ses interventions extérieures, ce qu’elle refuse.
Elle est alors licenciée pour faute, notamment au motif suivant énoncé dans la lettre de licenciement : « dans l’intérêt et pour le développement de l’entreprise, nous sommes contraints, vis-à-vis de nos clients, de faire en sorte que la discrétion soit de mise quant à l’expression des options personnelles de nos salariés »
La salariée a alors porté l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes puis devant la Cour d’appel. Ces juridictions ont estimé que la restriction imposée par l’employeur était légitime.
C’est ce qui explique le pourvoi formé par la salariée devant la Cour de cassation.
L’affaire est inédite s’agissant d’une salariée attachée au secteur privé, ce qui distingue cette affaire de l’affaire Baby Loup ou encore de l’affaire CPAM de Seine Saint-Denis.
C’est ce qui explique la décision de la Cour de cassation de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne, en posant la question suivante :
« Les dispositions de l’article 4 §1 de la directive 78/2000/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent-elles être interprétées en ce sens que constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, le souhait d’un client d’une société de conseils informatiques de ne plus voir les prestations de service informatiques de cette société assurées par une salariée, ingénieur d’études, portant un foulard islamique ? ».
Concrètement, la Cour de cassation s’en remet à l’appréciation de la CJUE.
La solution est attendue, en ce qu’elle met dos à dos l’intérêt de l’entreprise et les convictions religieuses d’une salariée.
Existe-t-il véritablement une obligation de discrétion vestimentaire au travail, comme le soutient l’employeur ?
La restriction apportée à la liberté religieuse était-elle proportionnée ?
Cette restriction était-elle légitime ?
Autant de questions qui se posent aujourd’hui avec l’affaire en présence.
Il faudra cependant s’armer de patience car la CJUE se prononce généralement sur les questions préjudicielles dans un délai de 18 mois environ…L’issue sera donc vraisemblablement connue durant la prochaine campagne présidentielle française.