La Cour de cassation a validé, il y a quelques mois, le barème dit Macron visant à plafonner les indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. La solution était attendue compte tenu de la résistance persistante des juges du fond quant à la mise en œuvre du barème. En refusant à ces derniers la possibilité de contrôler la conventionnalité in concreto du barème Macron, la Cour de cassation fait une application stricte du principe de réparation intégrale du préjudice.
La Cour de cassation se prononce enfin au sujet de l’application du très controversé barème Macron. Par ces deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, vient, sans grande surprise, de valider le barème en question.
Pour mémoire, un premier barème visant à plafonner les indemnités prud’homales avait déjà vu le jour en 2016[1]. Ce barème n’étant qu’indicatif, c’est peu de dire qu’il n’avait connu qu’un impact très limité sur les pratiques au sein des conseils de prud’hommes.
Par la suite, l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 avait introduit un nouveau barème inséré sous l’article L. 1235-3 du Code du travail et qui se trouve en l’espèce pour la première fois soumis à l’appréciation de la Cour de cassation. Ce barème a, tout comme son prédécesseur, vocation à encadrer les dommages et intérêts dus au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse[2]. Il se présente sous forme de deux tableaux indiquant des montants minimums et maximums de dommages et intérêts, calculés en mois de salaire brut et en fonction de trois critères : l’effectif au sein de l’entreprise, l’ancienneté et le montant du salaire mensuel du salarié.
Doté d’un caractère impératif cette fois, ce barème devait avoir pour avantage principal de permettre à l’employeur de prévoir le risque prud’homal en cas de licenciement abusif. L’ordonnance du 22 septembre 2017 portait d’ailleurs cet objectif de manière lumineuse puisqu’elle se disait « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ». Le Conseil constitutionnel, en validant le barème dans le cadre du recours formé contre la loi de ratification de l’ordonnance, a également souligné que le législateur avait souhaité renforcer la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail, et qu’en procédant ainsi, il avait poursuivi un objectif d’intérêt général[3]. Dès lors, à la manière des cercles vertueux, l’idée consistait bien à prédire le risque social dès l’embauche du salarié, ce qui devait amener l’employeur, soudainement rasséréné par cette perspective, à embaucher plus largement. A terme, on pouvait donc espérer que cet outil de prévisibilité contractuelle contribuerait à la baisse du chômage.
Côté salarié, l’argument phare, par un jeu de miroirs, résidait dans la perspective d’embauches favorisées, couplée à une indemnisation plus juste du préjudice qui ne devrait plus rien à la géographie judiciaire. Un coup d’arrêt serait ainsi porté à la possibilité de pouvoir gagner des sommes très avantageuses devant certains conseils de prud’hommes, que l’on savait plus généreux qu’ailleurs, et inversement de gagner moins devant certains qui se montraient plus regardants, s’agissant notamment de la démonstration du préjudice par le salarié.
Un autre intérêt, discuté par les praticiens, consistait dans la possibilité pour le salarié d’avoir une idée relativement précise du gain qu’il pouvait espérer obtenir devant le conseil de prud’hommes dans le cadre du contentieux de la contestation du licenciement. Par extension, ceci pouvait même amener le salarié à faire ses calculs et à renoncer à une saisine du conseil de prud’hommes, constatant par l’image que les honoraires de l’avocat étaient – par exemple -supérieurs au gain auquel il pouvait prétendre. Si ceci n’a jamais été un objectif affiché, il faut bien admettre que l’avènement du barème a emporté pour effet de réduire très rapidement le nombre de saisines du conseil de prud’hommes, ce qui n’est pas sans poser question en termes d’accessibilité au droit et à la justice[4]. Encore moins avouable serait la volonté d’allouer des sommes moins importantes au salarié licencié, afin de l’encourager à retrouver rapidement un emploi, considérant qu’il appartient au salarié de réduire son préjudice en se livrant à des recherches actives d’emploi[5].
Que l’on se situe côté employeur ou côté salarié, l’innovation promettait donc de l’anticipation, de l’harmonisation et de la sécurité juridique. C’était sans compter avec les juges du fond, qui n’ont eu de cesse que de défier le texte en l’écartant. Sans prétendre à l’exhaustivité, un rapide petit tour de France permet de s’en convaincre[6].
La Cour de cassation avait saisi l’occasion qui lui était donnée de remettre les pendules à l’heure dans deux avis du 17 juillet 2019[7]. Ces deux avis, par définition non contraignants, ont validé en son principe le barème, considérant que ce dernier était conforme aux engagements internationaux.
Loin de remettre dans le rang les juges du fond, la fronde a poursuivi son chemin, faisant même des émules[8]. Depuis lors, la Cour de cassation a rendu un arrêt précisant l’assiette de calcul du barème, dont il ne pouvait être déduit qu’elle validait ce dernier, dans la mesure où cette question ne lui était pas posée de manière directe[9]. De tout ce qui précède se déduit un résultat consternant : le sentiment d’une absence de réparation intégrale dans certains dossiers, couplée à une absence générale de sécurité juridique. C’est dire si les présentes solutions étaient attendues.
Par une lecture combinée de ces deux arrêts, la Cour de cassation valide en son principe le barème Macron. Ce faisant, elle confirme d’une part la conventionnalité in abstracto du barème (I), et rejette d’autre part la possibilité d’un contrôle de conventionnalité in concreto de ce même barème (II).
I. La confirmation de la conventionnalité in abstracto du barème Macron
La Cour de cassation dénie tout effet direct horizontal à l’article 24 de la Charte sociale européenne (A), tandis qu’elle affirme la compatibilité du barème avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (B).
A. L’effet direct horizontal dénié à l’article 24 de la Charte sociale européenne
Dans l’un des deux arrêts soumis à cette étude, la Cour de cassation confirme que l’article 24 de la Charte sociale européenne[10] n’est pas doté d’effet direct horizontal[11]. Autrement dit, les particuliers – employeur et/ou salariés – ne peuvent invoquer ce texte devant un conseil de prud’hommes. Ce faisant, la Cour de cassation demeure fidèle à l’appréciation de l’article 24 de la Charte sociale européenne adoptée dans ses deux avis de 2019[12]. Dans sa motivation, elle ne fait toutefois plus référence à l’indétermination de la notion d’indemnité adéquate, qui faisait prétendument obstacle à son invocabilité par des particuliers dans le cadre d’un litige.
La Cour de cassation fait en l’espèce usage d’une distinction entre l’effet direct horizontal et l’effet direct vertical. Dans le cadre de ce dernier, un particulier peut seulement invoquer une norme à l’égard d’un Etat. Cette distinction effet direct horizontal/effet direct vertical se fait l’écho de celle déjà usitée par la Cour de justice de l’Union européenne en présence de directives européennes qui nécessitent l’adoption d’un acte de transposition en droit interne. La Haute Cour développe son analogie dans l’arrêt à l’étude, en mettant en exergue le fait que la Charte sociale européenne se contente de poser des principes et objectifs[13], poursuivis par tous les moyens utiles, mais dont la mise en œuvre nécessite que les Etats contractants prennent des actes complémentaires[14]. Dès lors, tout se passe, au plan matériel, comme si l’adoption d’un acte de transposition était requise, à l’instar d’une directive européenne. La Cour de cassation déduit donc, par ce joli tour de passe-passe, une absence d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Cette solution originale dégagée par transposition de logique entre les normes européennes et internationales permet sans doute de ménager une apparente unité d’interprétation, ou à tout le moins, une absence de divergence manifeste entre deux ordres judiciaires. En effet, le Conseil d’Etat[15] a reconnu, dans un arrêt dit Fischer, un effet direct vertical à l’article 24 de la Charte sociale européenne. Raisonnant a contrario, certains commentateurs ont déduit de cet arrêt Fischer l’existence d’un effet direct vertical exclusif de tout effet direct horizontal[16]. Ainsi, la Cour de cassation, par sa solution, n’entrerait pas en contradiction avec la solution rendue par le Conseil d’Etat. Cette analyse de l’arrêt Fischer a du reste été combattue, dans la mesure où, en réalité, la question de l’effet direct horizontal n’était pas posée au Conseil d’Etat[17]. En outre, appliquée au pied de la lettre, cette lecture de l’arrêt du Conseil d’Etat aurait pour conséquence de générer une inégalité de traitement entre travailleurs relevant du secteur public et privé[18]. L’arrêt rendu par la Haute juridiction pourrait bien également relever d’un pur calcul en trois bandes, consistant à soustraire à l’appréciation interprétative du Comité européen des droits sociaux le barème de plafonnement des indemnités prud’homales[19]. En effet, le Comité européen des droits sociaux a estimé que le barème finlandais n’était pas conforme à l’article 24 de la Charte sociale européenne car il ne permettrait pas aux salariés d’obtenir une compensation du préjudice réellement subi. En outre, le barème en question ne serait pas suffisamment dissuasif pour l’employeur[20]. De même, le Comité européen des droits sociaux a condamné le barème italien, du fait de sa contrariété à l’article 24 de la Charte sociale européenne, et ce malgré des fourchettes de préjudice plus généreuses que celles prévues par le barème français[21]. Face à cette menace de voir le barème français condamné à son tour, la Cour de cassation semble avoir pris les devants. En effet, tout en reconnaissant que la France a choisi d’être liée par l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne[22], la Cour explique poliment que le seul contrôle du respect de ce texte s’opère par la voie d’un système de rapports périodiques et de réclamations collectives soumis au Comité européen des droits sociaux[23]. Dit plus clairement, les décisions prises par ce Comité n’ont pas de caractère contraignant en droit français[24]. Sur ce point, il semble que la Cour de cassation se soit montrée clairvoyante. Le Comité européen des droits sociaux aurait ainsi récemment condamné le barème Macron par une décision du 23 mars dernier, transmise au Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 25 mai 2022. Si la motivation précise de cette décision ne sera connue qu’à compter du mois de septembre 2022, elle augure a minima d’une pression portée sur l’Etat français par voie de recommandation[25].
B. La compatibilité du barème avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail
La Cour de cassation confirme que l’article 10 de la Convention OIT n°158[26] est d’application directe en droit interne[27]. En conséquence, l’article 10 serait, quant à lui, invocable dans le cadre d’un litige entre particuliers. Les magistrats du quai de l’Horloge l’avaient déjà admis entre les lignes dans leurs deux avis de 2019[28], sans s’en expliquer véritablement toutefois. La Haute juridiction expose désormais deux critères justifiant sa solution : d’une part, les stipulations de l’article 10 n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats, et d’autre part, elles ne requièrent pas l’adoption d’un acte complémentaire. Pour parvenir à une telle conclusion, la Haute Cour vise l’article 1er de la Convention OIT n°158, ce qui ne manque pas de faire douter de la pertinence des critères retenus dans la mesure où ce texte pourrait être interprété d’une manière rigoureusement inverse à celle adoptée au cas présent[29]. La manœuvre consiste en réalité à justifier une différence de traitement qui encourt, à juste titre, la critique[30]. La Cour de cassation fait en effet, en quelque sorte, deux poids deux mesures, en présence de deux textes internationaux qui visent des notions identiques. En effet, les articles 24 de la Charte sociale européenne et 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail évoquent tous deux, en cas de licenciement abusif, la notion d’« indemnité adéquate », ou à défaut de pouvoir allouer une telle indemnité : une « réparation appropriée ». Ce même contenu rédactionnel ne fait donc pas obstacle à un traitement différencié de la part de la Cour de cassation, ce qui peut laisser perplexe.
Autre motif de frustration, la Cour de cassation ne délivre qu’une définition floue de la notion d’indemnité adéquate pourtant au cœur de l’article 10 de la Convention OIT n°158. Cette étape du raisonnement constitue le chainon manquant dans la mesure où la Cour procède à l’examen de la compatibilité du barème avec l’article 10, et partant avec cette notion d’indemnité adéquate. On pourrait naturellement objecter que ce n’est pas la première fois que les juges auront à manipuler une notion mal définie. Tel est le cas par exemple de la notion de bonne foi en droit français. Cela est juste, néanmoins, nous savons que cette façon de procéder peut générer de l’insécurité juridique. Ici, la Cour de cassation se retranche derrière une décision du Conseil d’administration de l’OIT, aux termes de laquelle : « le terme ‘‘adéquat’’visé à l’article 10 de la Convention signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi[31] ». Les deux éléments constitutifs de cette définition de l’indemnité adéquate – que la Cour de cassation fait sienne – renvoient donc aux notions de dissuasion et de raison, ce qui parait éminemment subjectif et d’ordre psychologique. En outre, ces termes ne sont pas définis juridiquement, pas plus qu’ils ne sont définissables. Pour estimer que le barème Macron remplit la condition de raison, la Cour de cassation dresse un inventaire à la Prévert des cas d’exclusion du barème en présence d’une nullité du licenciement[32]. Dès lors, une réponse graduelle serait offerte au salarié suivant l’intensité de la faute commise par l’employeur. Quant à la condition de dissuasion, la Cour de cassation se réfère étonnement au remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié. La Cour de cassation souligne que ce remboursement peut même être ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaitre le montant des indemnités versées[33]. Cette motivation peut surprendre puisque, en pratique, bien souvent, les juges du fond oublient de prononcer cette condamnation. En outre, les sommes dont il est question ne profitent pas au salarié, mais à la collectivité. Or, la notion d’indemnité adéquate semble se tourner exclusivement en direction du salarié injustement licencié. Seules les indemnités qui reviennent au salarié devraient entrer dans le spectre de l’indemnité adéquate.
Il n’apparait donc pas raisonnable de faire plus longtemps l’économie de l’appréhension de la notion d’indemnité adéquate qui demeure insondable, malgré la tentative de clarification apporté par la Haute Cour. La tentation de rapprocher cette notion du principe de réparation intégrale apparait prégnante. En effet, quelle pourrait-être l’étendue de cette indemnité adéquate si elle ne permet pas de couvrir l’entier préjudice subi par le salarié injustement licencié ? Dès lors, comme il a pu l’être énoncé : « Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se trouvait si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu [34]». Nous sommes donc en présence de ce qu’il convient d’appeler une fiction juridique. Notre droit positif conduit à faire « comme si » le dommage n’était pas survenu. Par transposition dans le domaine en cause, « comme si » le salarié avait conservé son emploi. Le principe de réparation intégrale du préjudice irrigue l’ensemble de notre droit, qu’il s’agisse du droit administratif, du droit des obligations, ou encore de cette branche spéciale qui a poussé comme une excroissance sur l’arbre droit civil et qui s’intéresse aux relations entre employeurs et salariés. Ainsi, à l’instar des autres domaines du droit, le principe de réparation intégrale embrasse le droit du travail. En cette matière, la réparation prendra le plus souvent la forme d’une réparation par équivalent, en présence d’un licenciement abusif[35], ou d’un mixte entre une réparation en nature (réintégration) et une réparation par équivalent (versement des salaires non perçus durant la phase d’arrêt de la prestation de travail, avec déduction des revenus de remplacement) en présence d’une nullité du licenciement, voire dans cette dernière hypothèse d’une réparation exclusivement par équivalent si la salarié refuse la réintégration ou que celle-ci s’avère impossible[36]. L’employeur qui rompt abusivement le contrat de travail d’un salarié s’inscrit bien dans un mécanisme de responsabilité civile spécifique, en application de la théorie de l’abus de droit. Prima facies, on aurait pu croire que ce pan du droit du travail serait plutôt favorable au salarié, pareillement à bien des dispositions contenues dans le Code du travail dont on connait la coloration éminemment sociale, et qui trouvèrent naguère leur justification dans l’idée que le rapport de force entre employeurs et salariés était de facto inégal. Cette inégalité de fait trouvant alors motif à un traitement correctif du droit. Cette logique semble désormais modifiée, si l’on s’en tient à la réparation quasi forfaitisée du préjudice né de la perte d’emploi encadré par le barème dit Macron. Le nouvel encadrement législatif permet d’anémier le pouvoir que les juges détenaient auparavant, comme pour leur signifier, finalement, qu’ils en ont abusé. Il n’en demeure pas moins que le principe de réparation intégrale du préjudice demeure dans notre paysage juridique.
Précisément, dans l’un des deux arrêts à l’étude, la Cour de cassation s’en remet aux juges, à qui il revient d’apprécier le montant de l’indemnité adéquate entre les fourchettes du barème, qui prévoient des planchers et des plafonds[37]. Cette approche avait déjà pu être fustigée[38] tant il est vrai que peu de latitude est laissée aux juges du fond en la matière, en particulier si l’on considère les premières marches du barème dédiées aux faibles anciennetés. Cet espace de liberté, tenu parfois à 0,5 mois de salaire, apparait peu en phase avec une certaine conception de l’office du juge[39], parfois comparé à une simple chambre d’enregistrement[40]. Précisément, la Haute juridiction vient par sa solution apporter un élément de réponse nouveau au sujet du rôle des juges du fond dans l’appréciation du préjudice[41], en rejetant la possibilité d’un contrôle de conventionnalité in concreto du Barème Macron.
II. Le rejet du contrôle de conventionnalité in concreto du barème Macron
La Cour de cassation entend faire appliquer strictement le barème Macron en toutes hypothèses (A). Partant, elle restitue sans doute au principe de réparation intégrale sa véritable essence (B).
A. Le barème, tout le barème, mais rien que le barème
La Cour de cassation tranche la question du contrôle de conventionnalité in concreto du barème Macron[42]. Elle repousse ainsi l’idée qui consiste à restituer une forme de marge manœuvre aux juges du fond leur permettant d’écarter le barème à chaque fois que celui-ci ne procurerait pas une réparation adéquate du préjudice subi. Ce positionnement était attendu. Il en réjouira certains[43], et en décevra d’autres[44]. Sur le plan de la seule sécurité juridique, la solution ne peut être qu’approuvée. Il ne serait sans doute pas satisfaisant d’admettre que le barème sera tantôt appliqué, tantôt écarté par les juges du fond, sur la base de considérations purement factuelles. Cette résurgence de casuistique entrerait en contradiction avec la lettre et l’esprit de l’article L. 1235-3 du Code du travail.
Toutefois, du point de vue de la latitude nécessaire laissée au juge dans l’appréciation du préjudice subi, reconnaitre un contrôle de conventionnalité in concreto apparaissait séduisant à première vue. D’abord, parce qu’il est exact que le barème Macron constitue un format inédit de chiffrage du préjudice contraignant, sous forme de tableaux[45]. Ensuite, parce que les nouvelles pratiques des avocats devant les conseils de prud’hommes interrogent. Ceux-ci se sont ainsi fait fort de « rattraper du préjudice » par compensation, en développant des argumentations permettant à leurs clients d’obtenir une indemnisation par cumul fondée sur différents chefs de préjudices. Par exemple : exécution déloyale du contrat, manquement à l’obligation de sécurité, préjudice distinct de la rupture lié à des mesures vexatoires entourant le licenciement, demandes en lien avec la violation des droits fondamentaux générant une indemnisation hors barème, etc. Tout ceci donne parfois le sentiment que ce qui a été pris d’une main est rendu de l’autre. Enfin, parce que le barème Macron, par le bornage qu’il impose, semble malmener le principe de réparation intégrale du préjudice. La réparation du préjudice d’un salarié possédant une faible ancienneté apparait dérisoire et surtout beaucoup plus faible que ce qui était généralement accordé par les juges du fond avant l’entrée en vigueur du barème. La tentation est donc forte de trouver un expédient juridique, chaque fois que la réparation apparait manifestement en décalage avec le préjudice subi. C’est en sens que plusieurs arrêts se sont prononcés, reconnaissant l’existence d’un possible contrôle in concreto du barème[46]. Ainsi, la Cour d’appel de Chambéry a admis la conventionnalité in abstracto de l’article L. 1235-3 du Code du travail, tout en se livrant à un contrôle in concreto, en ces termes : « il rentre dans l’office du juge de s’assurer concrètement que l’application du barème ménage un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux des justiciables, et en particulier que l’indemnité prévue par la barème est proportionnée au but légitime poursuivi et si elle reste donc adéquate conformément à l’article 10 de la convention de l’OIT[47] ». De même, l’arrêt cassé par la Cour de cassation au cas présent s’inscrivait dans une logique analogue. Sa motivation n’était toutefois pas sans mérite. La Cour d’appel de Paris avait en effet constaté que le préjudice de la salariée pouvait être chiffré avec précision, ce qui avait l’avantage de permettre une indemnisation au plus près du préjudice réel. La Cour d’appel retenait ainsi que la salariée justifiait, en raison de sa qualité de demandeur d’emploi jusqu’en août 2019 et déduction faite des revenus perçus de Pôle emploi, d’une perte supérieure à 32 000 euros. La Cour d’appel observait alors que le montant de la réparation représentait à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières de la salariée et ne permettait donc pas, compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Précisément, par sa solution du 11 mai 2022, la Cour de cassation signifie son rejet d’un tel raisonnement[48]. Il ne sera plus possible, sauf résistance provisoire des juges du fond, d’écarter le barème sur la base d’une telle analyse en équité.
B. Le préjudice, tout le préjudice mais rien que le préjudice
La Cour de cassation rejette la possibilité d’un contrôle de conventionnalité in concreto du barème Macron par les juges du fond. Ceci ne signifie pas que les juges seront privés de toute faculté d’apprécier le montant du préjudice subi par le salarié injustement licencié. Simplement, le pouvoir judiciaire sera désormais strictement enserré dans les limites du barème, ce dernier ne pouvant plus être écarté au motif de son inconventionnalité in concreto[49]. En vérité, au plan de la seule technique juridique, la solution rendue se pose en conformité avec ce qui fait l’essence du principe de réparation intégrale. Le principe de réparation intégrale veut, selon la formule consacrée, que soit réparé « le préjudice, tout le préjudice mais rien que le préjudice ». Autrement dit, le préjudice doit être intégralement réparé, sans que cette réparation ne puisse jamais excéder le montant de ce préjudice. C’est notamment ce qui distingue notre droit positif du droit anglo-saxon, lequel permet d’obtenir un montant d’indemnisation supérieur au montant du préjudice, via le mécanisme des dommages et intérêts punitifs[50]. Notre théorème civil actuel entend donc réparer, et non punir. Dont acte. Mais de quel préjudice s’agit-il en cas de licenciement abusif ? Appliqué au cas spécifique de la réparation du licenciement abusif, le principe de réparation intégrale commande d’indemniser la perte de l’emploi consécutive à une faute commise par l’employeur[51]. Aussi, conformément aux règles applicables devant un juge civil, il convient pour les conseillers prud’homaux, d’évaluer le préjudice subi du fait de la perte d’emploi au jour du jugement[52]. Le préjudice doit en effet être certain[53] et se comprendre comme celui qui peut être démontré au jour du jugement. En ce sens, les critères retenus par le barème Macron ont le mérite de la fixité temporelle, visant à la fois l’ancienneté du salarié, le montant du salaire mensuel et l’effectif de l’entreprise au moment du licenciement. Au plan probatoire, le plus efficace en pratique consiste à fournir devant les juges du fond la preuve de l’existence d’une période d’indemnisation auprès de Pôle emploi via la communication d’avis de situation Pôle emploi. La tentation peut être grande toutefois, pour les plaideurs, de s’attarder plus avant sur des considérations d’avenir. Il arrive en effet que le salarié injustement écarté de l’entreprise par son employeur n’ait pas retrouvé d’emploi au jour du jugement. Or, nul n’ignore que certains salariés auront plus de difficultés à retrouver un emploi que d’autres. On se place alors face à un préjudice glissant, dont on ne connait pas précisément l’étendue au jour du jugement.
Il est acquis de longue date que les juges du fond peuvent tout à fait indemniser un préjudice futur, pour peu qu’il soit certain[54]. Dans cette optique, différents critères peuvent apparaitre pertinents afin d’envisager pleinement le préjudice du salarié licencié. Ce type de critère était d’ailleurs déjà usité par les juges du fond avant l’entrée en vigueur du barème Macron. Il s’agit par exemple de l’âge du salarié. Les chiffres du chômage des séniors sont à ce titre signifiants et démontrent qu’il est plus difficile pour un sénior de trouver un emploi, comparaison prise avec un jeune entrant sur le marché du travail. Parti dans cette voie, on pourrait également arguer que les juges du fond auraient intérêt à se pencher sur l’état sectoriel du marché du travail. Certains secteurs d’activités sont saturés, tandis que d’autres peinent à recruter. Ainsi, un secteur de marché tendu pourrait justifier une valorisation moindre du préjudice. Dans le même sens, une étude attentive du curriculum vitae du salarié pourrait être menée, tant il est vrai qu’un salarié apparait toujours mieux armé en terme d’employabilité, s’il justifie de certains diplômes en lien avec l’activité professionnelle jusqu’ici exercée et/ou convoitée. A l’inverse, un salarié peu diplômé dans le secteur d’activité considéré risquerait une période de chômage allongée. On comprend bien par ailleurs que si les juges du fond tire ce fil à l’envie, on en vient inéluctablement à s’interroger sur l’ensemble des obstacles qui jalonne le parcours d’un salarié en quête d’emploi, quitte à se saisir de tous les critères susceptibles de traduire une discrimination à l’embauche. Il n’y alors qu’un pas à franchir pour aborder pleinement l’ensemble des critères discriminants listés par l’article L1132-1 du Code du travail[55]. De même, les critères d’ordre qu’il convient d’appliquer avant de procéder à un licenciement économique, posés par l’article L1233-5 du Code du travail, s’inscrivent dans une logique de prévention du risque lié au chômage durable[56]. Ce sont justement des critères subjectifs de cette nature qui ont été utilisés par la Cour d’appel de Chambéry, alors qu’elle se livrait à un contrôle in concreto du barème, en retenant l’âge de la salariée et son statut de travailleuse handicapée[57]. A tout ceci, il reste possible d’opposer que cette analyse se fonde sur la recherche d’un préjudice futur mais non certain. Au mieux, ce préjudice apparait comme possible mais ne saurait être certain. Partant, ce préjudice, purement hypothétique, ne peut être considéré comme réparable[58]. D’autant que nul ne sait combien de temps peut durer la période de chômage du salarié. Dès lors, une indemnisation couvrant un préjudice éventuel peut conduire à un enrichissement du salarié si ce dernier retrouve très rapidement un emploi, ce qui entrerait en contradiction frontale avec le principe de réparation intégrale du préjudice.
Une autre direction envisageable conduirait à s’interroger sur la perte de chance pour ce qui concerne la part du préjudice glissant. Le salarié injustement licencié est privé de la chance de poursuivre la relation contractuelle et son préjudice consisterait, non en une perte, mais en un manque à gagner. A ce sujet, la jurisprudence martèle que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable[59]. Précisément, la perte d’emploi constitue bel et bien une disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable de poursuivre une relation de travail. Cette forme de réparation parait s’accommoder assez bien, dans la philosophie du mécanisme juridique, avec la situation du salarié licencié de manière abusive, dans la mesure où il n’est pas certain que la relation contractuelle se serait poursuivi en l’absence du licenciement dont il a fait l’objet. La difficulté tient alors à l’indemnisation à laquelle peut prétendre le salarié en présence d’une perte de chance. On sait en effet que dans l’hypothèse d’une perte de chance, ce n’est pas l’entier préjudice correspondant à la chance perdue qui est réparé, mais seulement en pratique un pourcentage compris entre 40% à 60% de ce préjudice reconstitué, suivant la vigueur du lien de causalité apprécié souverainement par les juges du fond[60]. Dans ces conditions, telle une vis sans fin, il n’est pas à exclure que l’application du barème Macron aboutisse finalement à des évaluations peu éloignées de ce savant calcul et conformes au principe de réparation intégrale du préjudice.
[1] Décret n°2016-1581 du 23 novembre 2016 portant fixation du référentiel indicatif d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-1 du Code du travail, JO 25 novembre 2016.
[2] Par transposition, les indemnités visées sont également dues à chaque fois que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par exemple, en cas de prise d’acte de la rupture du contrat s’analysant en un licenciement abusif.
[3] Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 : « 86. D’une part, en fixant un référentiel obligatoire pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le législateur a entendu renforcer la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général. […] 88. Il résulte de ce qui précède que la dérogation au droit commun de la responsabilité pour faute, résultant des maximums prévus par les dispositions contestées, n’institue pas des restrictions disproportionnées par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi ».
[4] Direction des affaires civiles et du sceau Pôle d’évaluation de la justice civile, rapport, « baisse des demandes, concentration des litiges », juillet 2019. Selon ce rapport, entre 2005 et 2018, les conseils de prud’hommes comptent 40,95 % d’affaires nouvelles en moins. Il est à noter qu’il reste difficile d’attribuer au barème l’entière responsabilité de la baisse des saisines des conseils de prud’hommes. D’autres facteurs peuvent en effet jouer un rôle dans cette tendance. Par exemple la réforme de la procédure prud’homale via la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a pu contribuer à ce phénomène.
[5] Cette considération de nature purement politique entrerait en collision avec le principe juridique posé par la Cour de cassation qui refuse de faire peser sur la victime une obligation de minimiser son dommage (V. not. en ce sens : Cass. crim., 27 sept. 2016, n°15-83309 ; Com. 23 sept. 2020, n° 15-28.898). A noter toutefois un aménagement possible de ce principe issu de l’Avant-projet de réforme de la responsabilité civile présenté par la Chancellerie en mars 2017, en son projet d’article 1263 du Code civil, qui envisage l’obligation pour la victime d’avoir à minimiser son dommage, sauf en cas de dommage corporel.
[6] Ces juridictions, pour s’opposer au barème, se sont basées le plus souvent sur son inconventionnalité – soit en référence à la Charte sociale européenne, soit en référence à la Convention n°158 de l’OIT, soit en référence aux deux textes internationaux précités – et/ou en s’appuyant sur des notions variées, telles que : l’absence de réparation du préjudice, l’inéquité, la rupture d’égalité entre les salariés, l’absence d’effet dissuasif de l’indemnité pour l’employeur. V. not. CPH Troyes, 13 décembre 2018, n°18/00336, CPH Lyon, 7 janvier 2019, n°15/01398 ; CPH Lyon, 21 décembre 2018, n°18/01238 ; CPH Grenoble, 18 janvier 2019, n°18/00989 ; CPH Amiens, 19 décembre 2018, n°18/00040.
[7] Cass., Avis, 17 juillet 2019, n°15012 et 15013.
[8] V. not. en ce sens : CPH Grenoble, 22 juillet 2019, n° 18/00267 ; CPH Nevers, 26 juillet 2019, n°18/00050 ; CPH Troyes, 29 juillet 2019, n° 18/00169 ; CPH Le Havre, 10 septembre 2019, n°18/00413 ; CPH Limoges, 1er octobre 2019, n° 19/00114 ; CPH Nantes, 5 février 2021, n°20/00025 ; CA Paris, 16 mars 2021, n°19/08721 ; CA Chambéry, 27 mai 2021, n°20/00287.
[9] Cass. soc., 15 décembre 2021, n° 20-18.782.
[10] Selon l’article 24 de la Charte sociale européenne : « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître:
- le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service;
- le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».
[11] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-15247.
[12] Cass. Avis, 17 juillet 2019, n°15012 et 15013.
[13] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-15247, point n°20.
[14] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-15247 : « 17. L’article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en œuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en œuvre par :
- a) la législation ou la réglementation ;
- b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs ;
- c) une combinaison de ces deux méthodes ;
- d) d’autres moyens appropriés. »
[15] CE, 10 février 2014, n°358992.
[16] A. Gardin et J.-P. Lhernould, « Le barème d’indemnisation du licenciement face au droit européen et international. Le cœur et la raison », RJS 5/2019.
[17] J. Icard, « Avis relatifs au barème Macron : la stratégie du flou », Semaine Sociale Lamy, N° 1871, 26 août 2019.
[18] J. Icard, « Avis relatifs au barème Macron : la stratégie du flou », Semaine Sociale Lamy, N° 1871, 26 août 2019 : « Si l’on considérait – ce qui ne ressort absolument pas expressément de l’arrêt Fischer – que le Conseil d’État a reconnu un seul effet direct vertical à l’article 24 de la Charte sociale européenne, alors que la Cour de cassation exclut tout effet direct horizontal, il en ressortirait que certains travailleurs pourraient invoquer la Charte pour tenter de faire échec au barème dans le cadre de la rupture de leur contrat de travail dès lors que le litige revêt une nature prétendument verticale, mais il en irait autrement des salariés dans la même situation quoique dans un litige prétendument horizontal ».
[19] J. Icard, « Avis relatifs au barème Macron : la stratégie du flou », Semaine Sociale Lamy, N° 1871, 26 août 2019.
[20] CEDS, 8 sept. 2016, Finnish Society of Social Rights c. Finlande, n°106/2014.
[21] CEDS, 11 sept. 2019, CGIL c. Italie, n°158/2017.
[22] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-15247, point n°16.
[23] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-15247, points n°18 et 20.
[24] Communiqué de la Cour de cassation, « Barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse », mercredi 11 mai 2022.
[25] https://www.actu-juridique.fr/social/bareme-macron-le-comite-europeen-des-droits-sociaux-rouvre-le-debat/
[26] Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, article 10 : « Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
[27] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, point 12.
[28] Cass. Avis, 17 juillet 2019, n°15012 et 15013. Certains juges du fond s’étaient également prononcés en ce sens. V. not. : CPH du Mans, 26 septembre 2018, n°17/00538 ; CPH Caen, 18 décembre 2018, n°17/00193 ; CPH Le Havre, 15 janvier 2019, n°18/00318 ; CPH Tours, 29 janvier 2019, n° 18/00396 ; CA Paris, 30 octobre 2019, n°16/05602.
[29] Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, article 1er : « Pour autant que l’application de la présente convention n’est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l’être par voie de législation nationale ». Il est en effet possible de déduire de ce texte qu’un acte complémentaire sera adopté chaque fois que cela s’avérera nécessaire.
[30] T. Sachs, Le barème Macron devant les cours d’appel : l’introuvable ligne de crête, Semaine Sociale Lamy, n°1894, 10 février 2020.
[31] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, point 13.
[32] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, points 14 à 17 et point 19.
[33] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, points 18 et 20.
[34] M.-S. Boudon, « Le principe de réparation intégrale du préjudice », Contribution à une réflexion sur l’articulation des fonctions de la responsabilité civile, Presses Universitaires d’Aix-Marseille – P.U.A.M., Collection Centre Pierre Kayser, 10/12/2020.
[35] Il est en effet rarissime que les parties s’accordent sur la réintégration du salarié prévue par l’article L 1235-3 du Code du travail. Dans cette hypothèse de réparation par équivalent, les droits au chômage (si tant est que les conditions d’ouverture à cette logique assurantielle soient réunies) restent acquis au salarié.
[36] Code trav. article L1235-3-1. Cette réparation est alors égale, au minimum, aux 6 derniers mois de salaire.
[37] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, point 24.
[38] P. Lokiec, « Le barème s’attaque au cœur de la fonction de juger », Semaine Sociale Lamy, n°1849, 18 février 2019.
[39] T. de Saint Sernin, « Le barème Macron créé un sentiment très fort d’impunité des employeurs », Les Cahiers Lamy du CSE, Nº 199, 1er janvier 2020.
[40] P. Lokiec, « Le barème s’attaque au cœur de la fonction de juger », Semaine Sociale Lamy, n°1849, 18 février 2019.
[41] V. en ce sens l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris que la Cour de cassation casse et annule dans l’un des deux arrêts objet de cette étude (CA Paris, 16 mars 2021, n°19/08721 ; M. Hautefort, « Barème Macron : Paris fait de la résistance », Jurisprudence Sociale Lamy, n° 520, 14 mai 2021, note sous CA Paris, 16 mars 2021, n°19/08721). Cet arrêt de la Cour d’appel de Paris a admis la compatibilité du barème avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, tout en l’écartant au cas particulier par l’adoption d’une approche in concreto du préjudice subi, en ces termes : « Eu égard à cette ancienneté et à la taille de l’entreprise, l’article L. 1235-3 du code du travail fixe l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme comprise entre 3 et 4 mois de salaire, soit sur la base d’un salaire moyen de 4.403,75 euros bruts, une indemnité oscillant entre 13.211,25 et 17.615 euros. Cette somme représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement. Compte tenu de la situation concrète et particulière de X…, âgée de 53 ans à la date de la rupture et de 56 ans à ce jour, le montant prévu par l’article L. 1235-3 ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention no 158 de l’OIT. En conséquence, il y a lieu d’écarter l’application du barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail ».
[42] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, point 24.
[43] C. Radé, « Que le barème nous garde de l’équité des Parlements ! », in Controverse : « prendre l’exigence de réparation adéquate au sérieux ? », RDT 2019.
[44] Q. Chatelier, « Barème Macron pour un (véritable) contrôle in concreto », note sous CA Chambéry, 27 mai, n°20/00287, Jurisprudence sociale Lamy, n°523, 2 juillet 2021 ; P. Lokiec, « Le barème s’attaque au cœur de la fonction de juger », Semaine Sociale Lamy, n°1849, 18 février 2019 ; C. Pagbedji, Le plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, vers une application flexible, LPA 2020, n°69.
[45] P. Lokiec, Le barème s’attaque au cœur de la fonction de juger, Semaine Sociale Lamy, n°1849, 18 février 2019. Cet auteur rappelle avec justesse le caractère purement indicatif de la nomenclature Dintilhac sur les dommages corporels ou encore l’absence de caractère impératif, affirmé par la Cour de cassation, de la table de référence portant sur la fixation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants sous forme de pension alimentaire (v. en ce sens : Cass., civ. 1ère, 23 octobre 2013, n°12-25301).
[46] V. not. en ce sens : CA Chambéry, 27 juin 2019, n°18/01276 ; CA Reims, 25 septembre 2019, n°19/00003 ; CA Chambéry, 14 novembre 2019, n°18/02184 ; CA Limoges, 2 novembre 2020, n°19/00842 ; CA Bourges, 6 novembre 2020, n°19/00585 ; CA Chambéry, 26 novembre 2020, n°19/01132 ; CA Caen, 14 janvier 2021, n°19/02533 ; CA Chambéry, 9 février 2021, n°19/02110 ; CA Chambéry, 11 mai 2021, n°20/00500 ; CA Chambéry, 27 mai 2021, n°20/00287.
[47] CA Chambéry, 27 mai 2021, n°20/00287.
[48] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, point 24.
[49] Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, point 24.
[50] V. cependant un aménagement possible de ce principe issu de l’Avant-projet de réforme de la responsabilité civile présenté par la Chancellerie en mars 2017, en son projet d’article 1266-1 du Code civil, qui envisage une reconnaissance de la faute lucrative via un mécanisme d’amende civile. L’amende civile ne serait toutefois pas versée à la victime, mais à un fonds d’indemnisation ou au Trésor public.
[51] Ce qui rapproche ce mécanisme de réparation de celui qui sanctionne un délit civil, dans la mesure où ce sont bien les conséquences de la faute commise par l’employeur qui méritent indemnisation. Cette analyse conduit à s’interroger sur ce qui distingue l’indemnité due en cas de licenciement sans cause et sérieuse de l’indemnité de licenciement visée par l’article L1234-9 du Code du travail. Pour une analyse quasi-contractuelle de la nature de l’indemnité de licenciement, v. la proposition très convaincante de M. Vonwill, in « L’indemnité légale de rupture des contrats d’agence commerciale et de VRP, Essai d’une analyse quasi-contractuelle », thèse dactyl., 6 janvier 2001.
[52] Cass. Civ. 15 juillet 1943, GAJC, vol. 2, n°192.
[53] Flour, Aubert et Savaux, « Les obligations », t. 2, Le fait juridique, Dalloz Sirey, 12e éd., n° 136.
[54] Req. 1er juin 1932, n°377 : DP 1932. 1. 169 , note Savatier.
[55] C. trav., art. L1132-1 : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ».
[56] Ces critères sont notamment les suivants : les charges de famille, en particulier celles des parents isolés, l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés et enfin les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
[57] CA Chambéry, 27 mai 2021, n°20/00287.
[58] Req. 1er juin 1932, n°377 : DP 1932. 1. 169, note Savatier ; Com. 27 mai 2021, n° 19-17.275.
[59] Cass. Civ 1ère, 21 novembre 2006, n° 05-15.674.
[60] Cass. Civ 1ère, 9 avril 2002, n°00-13.314 : « la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ». V. également en ce sens : Civ. 3ème, 7 avril 2016, n° 15-11.342.