De jurisprudence constante, la lettre de licenciement fixe les limites du litige (V. en ce sens pour une confirmation récente : Cass. Soc., 12 février 2014, n°12-11554).
Ce grand principe signifie que l’employeur n’a pas la possibilité d’invoquer, suite à la notification du licenciement, de nouveaux griefs à l’encontre de son salarié. Les griefs sont donc cristallisés au moment de l’élaboration de la lettre de licenciement, ce qui impose la plus grande prudence au moment de sa rédaction. Concrètement, lorsque l’employeur oubliait un grief dans la lettre de licenciement, il se privait de la possibilité de l’évoquer en cas de contentieux avec le salarié.
La conséquence d’une mauvaise rédaction de la lettre de licenciement pouvait être encore plus sévère pour l’employeur puisque l’absence d’indication d’un motif précis dans la lettre de licenciement équivalait à une absence de motif et rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 17 janv. 2006, n°04-40740).
L’une des ordonnances MACRON est venue ouvrir une large brèche à ce principe de fixation des limites du litige, offrant une session de rattrapage à l’employeur qui aurait mal rédigé sa lettre de licenciement.
Il s’agit de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Celle-ci met en place une procédure permettant de préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, après la notification de celui-ci. Cette procédure pouvant être engagée à la demande du salarié ou de l’employeur.
L’ordonnance prévoit ainsi cette nouvelle procédure en son article 4, comme suit :
« Art. L. 1235-2.-Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat.
« La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
« A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
« En l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 ».
L’objectif de cette ordonnance était finalement de contrer la jurisprudence antérieure et d’éviter par exemple qu’un licenciement soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif de l’absence d’une phrase, d’une mention (par exemple : en cas de licenciement pour inaptitude, la lettre de licenciement doit impérativement mentionner « l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement ». A défaut, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse : Cass. soc. du 9 avril 2008, n° 07-40356).
L’ordonnance précisait bien qu’un décret à paraître allait venir préciser les délais et conditions de cette nouvelle faculté offerte à l’employeur ou au salarié de fixer et/ou d’élargir les limites du débat.
Ce décret était très attendu puisque l’ordonnance générait une certaine insécurité.
Le décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 relatif à la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement vient encadrer dans le temps cette faculté de précision quant aux motifs du licenciement, modifiant les articles R. 1232-13 et R. 1233-2-2 du Code du travail en ces termes :
« Dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.
« L’employeur dispose d’un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
« Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.»
Fort logiquement, ce nouveau décret sera applicable aux licenciements prononcés postérieurement à sa publication.
Reste que certaines questions demeurent et en particulier concernant la computation des nouveaux délais. S’agira-t-il de jours calendaires, ouvrables ou ouvrés ?
C’est sans doute à la jurisprudence qu’il reviendra de trancher ces questions. En attendant, la prudence commande, pour les salariés comme pour les employeurs, de s’en tenir à l’hypothèse la plus défavorable et donc de raisonner en jours calendaires.
Marilyn MAUDET-BENDAHAN. Avocat au Barreau de NANTES.