L’article L 4131-1 du Code du travail aborde la question du droit de retrait dans les termes suivants:
« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection ».
En l’espèce, un salarié en mission en Russie avait précisément fait usage de ce droit de retrait, suite à deux agressions dont il avait été victime en l’espace de quelques jours seulement.
L’employeur avait d’abord consenti à ce rapatriement, puis avait décidé de licencier pour faute grave ce salarié, considérant finalement :
– que la demande de rapatriement était injustifiée,
– que le salarié avait, suite à ce rapatriement, refusé de repartir à l’étranger pour effectuer une nouvelle mission.
Au nombre des arguments avancés devant la Cour de cassation, cet employeur faisait notamment valoir que le rapatriement du salarié ne pouvait pas constituer l’exercice du droit de retrait puisque ce salarié avait cessé son travail avec l’accord de son employeur.
La Cour de cassation refuse un tel raisonnement, en se fondant sur l’exercice légitime du droit de retrait : « Mais attendu qu’ayant constaté que le salarié avait légitimement exercé son droit de retrait, peu important qu’il ait obtenu l’accord de son employeur pour quitter son poste de travail, et que l’un des reproches formulés par l’employeur dans la lettre de licenciement reposait sur l’exercice de ce droit de retrait, la cour d’appel en a exactement déduit, sans avoir à examiner les autres griefs invoqués, que le licenciement était nul ; que le moyen n’est pas fondé ».
Ainsi, à juste titre, la Cour de cassation écarte l’argument de l’employeur fondé sur son autorisation au rapatriement.
Il n’y a effectivement aucune raison de restreindre le champ d’application de l’article L 4131-1 du Code du travail en ajoutant une condition qu’il ne contient pas s’agissant de l’exercice légitime du droit de retrait.
Le retrait exercé avec l’autorisation de l’employeur n’en reste pas moins un retrait !
Autre apport intéressant de la solution : le fait qu’un des griefs de la lettre de licenciement soit en lien avec l’exercice légitime du droit de retrait rend à lui seul le licenciement nul, sans qu’il soit besoin pour les juges d’examiner les autres griefs contenus dans la lettre de licenciement.
C’est donc bien d’un effet viral qu’il s’agit et qui emporte nécessairement la nullité du licenciement avec toutes les conséquences indemnitaires que cela suppose pour le salarié.
En quelque sorte, il s’agit d’un dérivé de l’adage selon lequel « la fraude corrompt tout ».
Marilyn MAUDET-BENDAHAN. Avocat au Barreau de Nantes.