Un salarié, agent de sécurité au sein d’une société de gardiennage, a été licencié pour avoir envoyé le sms suivant pendant son temps de travail et à partir de son téléphone portable professionnel : « Salam aleikkoum. Message très important. La société israélienne ISLA DELICE a été condamnée pour… avoir vendu de la viande de porc sous le label hala. Faites passer le message et boycottez ces produits, c’est notre devoir de musulmans ».
L’employeur a licencié ce salarié pour faute grave et a motivé ce licenciement comme suit : en raison de la diffusion d’un « message à connotation politique et religieuse, totalement inappropriée dans une entreprise laïque ».
Les juges du fond n’ont pas retenu la faute grave mais la faute sérieuse, au soutien du raisonnement suivant : « les faits ne peuvent être que circonscrits à la diffusion d’un message par le téléphone de l’entreprise, mais ne sauraient être jugés sur le fondement d’une violation des consignes interdisant toute communication téléphonique personnelle sur le lieu de travail, ce grief n’étant pas formulé expressément dans la lettre de licenciement qui ne vise que le caractère politique et religieux du message, diffusé certes « pendant le temps de travail » mais sans plus de précision sur les conséquences attachées actuellement à ces termes dans les développements de la société Etic sécurité, que le réceptionnaire involontaire du message, M. Y…, salarié de l’entreprise, était en possession du portable de M. Z…, autre salarié, censé être le premier d’une chaîne de messages, que peu importe que M. X…, qui reconnaît avoir manqué de discernement relativise la portée du message, notamment en protestant de l’absence de toute motivation religieuse, les termes en cause, destinés à une large diffusion, attestant du contraire, que de telles initiatives ne sont pas tolérables au sein d’une entreprise, tenue à un strict devoir de neutralité, et notamment sur le plan religieux, sujet sensible par excellence entre les salariés, et que la diffusion de semblables messages est d’évidence préjudiciable au fonctionnement normal de la société Etic sécurité ».
La Cour de cassation casse et annule une telle solution, en ces termes : « Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, au regard de la tâche d’agent de sécurité de l’intéressé et de l’activité de l’entreprise spécialisée dans ce même domaine, un abus du salarié dans l’usage de la liberté d’expression dont il jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte suscité ».
Ce faisant, la Cour de cassation vise l’article L1121-1 du Code du travail, aux termes duquel : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
C’est bien la recherche de ce difficile équilibre entre liberté d’expression et fonctionnement normal d’une société qu’invite à mener la Cour de cassation, qui s’en tient prudemment au contrôle des critères que doivent vérifier les juges du fond.
Marilyn MAUDET-BENDAHAN. Avocat au Barreau de Nantes.