L’arrêt présent est rendu au visa de trois dispositions issues du Code du travail :
– l’article L1132-1 du Code du travail, qui prévoit que : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».
– l’article L1144-1 du Code du travail, qui rappelle le régime de preuve partagé en matière de discrimination : « Lorsque survient un litige relatif à l’application des dispositions des articles L. 1142-1 et L. 1142-2, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe, la situation de famille ou la grossesse.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
– l’article L. 2141-5 du Code du travail, propre à la discrimination syndicale, qui précise que : «Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
Un accord détermine les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle ».
En l’espèce, un agent d’accueil, membre du CHSCT, a saisi la juridiction prud’homale, estimant avoir été victime d’une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière.
Conformément à l’article L1144-1 du Code du travail, lorsqu’il est reproché à un employeur une discrimination syndicale, celui-ci doit justifier d’éléments objectifs qui expliquent la différence de traitement invoquée.
L’employeur a en effet produit à la cause des évaluations de son salarié faisant état de « difficultés de respect vis-à-vis de sa hiérarchie » et d’insatisfaction « sur la communication avec les clients ».
La Cour d’appel avait retenu que ces évaluations ne suffisaient pas à expliquer la stagnation de carrière du salarié au sein de son entreprise.
La Cour de cassation casse cette solution, estimant que « l’employeur tient de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d’évaluer ses salariés et que les résultats d’une telle évaluation peuvent constituer une justification objective des décisions de l’employeur dès lors qu’elle fondée sur des motifs étrangers à toute discrimination prohibée ».
L’arrêt enseigne donc que les comptes rendus des entretiens d’évaluation sont à rédiger avec le plus grand soin. Ce document constituera en effet, en cas de contentieux, une pièce particulièrement utile, comme en témoigne l’arrêt précité.
Par ailleurs, de tels comptes rendus d’entretiens d’évaluation pourront également constituer un précieux soutien dans le cadre d’une procédure pour insuffisance professionnelle ou encore dans le but de constituer un dossier disciplinaire.
Inversement, un salarié pourra avoir intérêt à conserver précieusement ses comptes rendus d’évaluation. Par exemple, pour démontrer qu’il a toujours donné satisfaction ou pour apporter la preuve de ce qu’il rencontrait des difficultés dans le cadre de son activité et que l’employeur n’a pas pris les mesures qui lui incombaient (par exemple : aucune formation accordée au salarié alors que l’évolution du poste nécessitait une adaptation du salarié avec le soutien de l’employeur…).
MARILYN MAUDET-BENDAHAN. AVOCATE AU BARREAU DE NANTES.